La culture vocale : quelques principes, quelques exercices…
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Introduction :
Toute éducation musicale commence par le chant, activité globale par excellence. Puis, la pratique du chant conduit à la maîtrise progressive de la voix : chanter le mieux possible, sans fatigue. Si chanter est un acte naturel, faut-il préparer sa voix avant de chanter, comme le violoniste prépare son instrument et ses doigts avant de jouer?
Certains parlent de » technique vocale « … Nous lui préférons l’expression » culture vocale « … Que faut-il entendre par là ?
Quelques précisions physiologiques :
L’appareil phonatoire est un instrument à vent très perfectionné et très précieux, mais qui agit pour une grande partie de manière réflexe :
De l’air mis en réserve dans les poumons est expiré avec plus ou moins d’intensité. Au passage dans le larynx, il met en vibration les cordes vocales qui s’écartent l’une de l’autre. Le son ainsi émis est amplifié et coloré par différents résonateurs : la bouche, les fosses nasales, le palais. De plus, un lien étroit existe entre l’expression vocale (parlée et chantée) et le corps qui contribue, dans son intégralité, à l’émission sonore.
Puisque les cordes vocales fonctionnent lorsqu’on parle, ne sont-elles pas suffisamment prêtes pour chanter ? Non… Car parler n’est pas chanter !
En outre, même la voix parlée connaît différents fonctionnements. Pour préciser une distinction fondamentale, nous reproduirons ici un extrait de la brochure » Dossiers pédagogiques : n°1, le chant choral « , réalisée et diffusée par le Centre Polyphonique de Normandie :
» La voix non projetée est la voix de la conversation courante, la voix de tous les jours qu’on utilise pour parler de la pluie et du beau temps, raconter ce qu’on a vécu pendant la journée. La voix projetée est celle que l’on utilise quand on appelle quelqu’un, qu’on donne un ordre, qu’on parle ou qu’on chante en public. C’est la voix du comédien ou celle du conférencier, de celui qui veut agir sur l’autre au moyen de sa voix.
Si l’utilisation de la voix non projetée n’induit aucun comportement physique particulier, celle de la voix projetée se traduit par une orientation précise du regard, un redressement du corps et la mise en route du souffle abdominal (alors que le souffle reste thoracique dans la voix non projetée (…). « .
La culture vocale à l’école :
Bien entendu, à l’école, il n’est pas question de donner des » cours de chant « . La préparation vocale doit rester ludique. Chanter doit susciter le plaisir et l’émotion. C’est pourquoi nous vous proposons de vous engager dans une pratique modeste, mais conquérante, dont nous traiterons les aspects suivants :
La mise en condition corporelle, au service de la voix,
Le souffle : moteur pour la voix.
L’articulation et la couleur du son.
Les vocalises.
La mise en condition corporelle, au service de la voix :
1) Décontraction :
Corps | S’étirer en levant les bras le plus haut possible (pour les plus jeunes, utiliser l’image de » l’arbre « , qui lève ses branches vers le ciel) Bâiller… Le bâillement est source de bien-être. Il doit devenir un rituel d’invitation à chanter. |
Epaules | Les monter le plus haut possible, et les relâcher d’un coup (image : » la tortue « ) Faire des mouvements circulaires dans les deux sens, simultanément ou alternativement ( » rouler les mécaniques « ) Avec la main droite, masser l’épaule gauche, et faire de même avec la main gauche sur l’épaule droite |
Tête | Basculer vers l’avant, vers l’arrière, puis faire des mouvements circulaires dans les deux sens très lentement, bouche entrouverte et mâchoires relâchées |
Bras | Soulever un bras en l’amenant à l’horizontale en face de soi, attendre qu’il s’alourdisse avant de le laisser retomber le long du corps. Même chose avec l’autre bras ( » la marionnette tenue par des ficelles « ) |
Visage | Masser (ou tapoter du bout des doigts) le front, le tour des yeux, le nez, le contour du nez, le menton… Masser doucement la gorge en déglutissant, pour la chauffer. Ouvrir la bouche, laisser tomber la mâchoire inférieure (au début, cela suscite une hilarité tout à fait normale, qui disparaîtra progressivement). Puis sourire avec le haut du visage (pommette, yeux). Décomposer les deux attitudes, puis les enchaîner. |
Bouche | Faire semblant de mâcher du chewing gum Entrouvrir la bouche et » déposer » la langue sur la mâchoire inférieure (comme sur un plateau), puis essayer de faire des mouvements circulaires avec cette mâchoire inférieure. La langue se laisse porter (sans tension). Compléter par l’image d’une » pomme de terre chaude » dans la bouche, et que l’on fait bouger pour ne pas qu’elle vous brûle… |
2) Posture :
Pour utiliser pleinement ses facultés vocales, il est important de prendre une bonne position en station debout. Cependant, pendant certaines phases d’apprentissage, les enfants pourront s’asseoir dans une position confortable…
Les pieds sont bien ancrés au sol : pour reprendre l’image de l’arbre, les pieds sont les racines, on les sent s’enfoncer dans le sol. Ou bien nous marchons sur la plage et nous sentons nos pieds s’enfoncer dans le sable. L’écartement des pieds doit correspondre à peu près à la largeur du bassin : serrer les pieds, talons collés, puis écarter les pointes et ramener les talons parallèlement aux pointes.
Les épaules sont basses, la tête droite (donner comme consigne de regarder face à soi), les bras sont détendus le long du corps. Enfin, nous vous indiquons un jeu sur les regards, intéressant tant pour la posture que pour la concentration du groupe : » regardez vos pieds, la porte d’entrée, le radiateur, le voisin de derrière, celui de devant » etc… Terminer par la personne qui dirige. Ne pas hésiter en cours de séance à reprendre quelques uns de ces jeux et exercices, surtout si l’attention et le corps se relâchent.
Le souffle : moteur pour la voix
-Une émission vocale aisée et sans fatigue s’appuie sur une respiration correcte (ceci concerne la voix chantée, bien sûr, mais aussi la voix parlée… Alerte aux extinctions de voix, si courantes chez certains enseignants, par simple méconnaissance de ce processus!).
-Contrairement aux idées reçues, l’expiration est plus importante que l’inspiration. Il importe moins de » prendre son souffle » que de savoir bien gérer son émission. On adoptera donc une démarche inverse à celle couramment pratiquée :
-En posant la main sur son ventre, vider l’air contenu dans les poumons et laisser l’inspiration se produire seule, sans effort (c’est un acte réflexe, de toutes façons!).
-Recommencer en attirant l’attention sur les mouvements du ventre, et sur le fait que l’expiration se fait par la bouche et l’inspiration par le nez.
-Sonoriser ces expirations à l’aide de sons tels que » ch… « , » ss… « , » fff « .
-Utiliser l’image des » vents » pour combiner ces différents sons et en trouver de nouveaux : la petite brise d’été, la tempête, le vent sur la banquise etc…
-Ne pas pratiquer ces exercices trop longtemps car ils génèrent une hyperventilation pouvant » étourdir « …
-Prise de conscience de la contraction du diaphragme :
-Prononcer les sons » k! « , » t! « , » p! « . Attention, pas de voyelle : c’est l’attaque de la consonne qui est travaillée ici.
-Combiner l’attaque et les exercices précédents : » kss… « , » tch… »
Travail de la tenue et de l’arrêt du son :
-Image de la bougie dont on fait bouger la flamme : on souffle plus ou moins fort, mais sans chercher à l’éteindre. La but est de souffler peu d’air, donc de contrôler l’expiration.
-Au contraire de ce qui précède, éteindre la bougie (donc, expiration forte et courte), puis éteindre toutes les bougies d’un gâteau d’anniversaire.
– » Refroidir la soupe chaude » sur » ff » : projection des lèvres, mains près de la bouche, on souffle longtemps.
-Sur 6 pulsations : Inspiration sur 2 temps (image du ballon qui se gonfle)/ Blocage sur 1 temps/ Expiration sur 3 temps (image du ballon qui se dégonfle).
-Sur » ou » dans une tessiture moyenne (fa/sol), le maître indique à l’aide d’un geste les départs et les arrêts. Il fait varier la longueur de chaque son. Les enfants doivent progressivement respecter ses gestes de plus en plus finement.
-Le dernier son d’un mot : chanter des mots comme » souris « , coucou « , » château » sur une note et tenir le plus longtemps possible la dernière syllabe.
-Sur un chant connu, définir ensemble différentes façons de respirer : reprendre son souffle au début de chaque phrase, puis enchaîner deux phrases sur une même expiration. Augmenter progressivement la longueur des phrases à chanter sur un seul souffle.
L’inspiration (par le nez) :
Imaginer que l’on sent le parfum d’une fleur et que l’odeur » passe dans la tête
L’articulation et la couleur du son : les exercices qui suivent visent à pallier les défauts d’une » articulation molle « , et donc à favoriser une bonne diction chantée (et/ou parlée).
I) Exercices en voix parlée :
Appels en écho : jouer sur les hauteurs, l’intensité, l’expression…
En imitation de l’enseignant (ou d’un élève), proposer les formules suivantes sur le rythme
Pour travailler les nasales, l’enseignant et les enfants, ou deux groupes d’enfants, dialoguent sur des couples comme :
pas – plan | go – gond | drap – drain | moi – moins |
âge – lent | veau – vont | eux – un | poids – point |
laine – lent | faux – fond | bœufs – brun | foie – foin |
II) Exercices alliant jeux vocaux et articulation :
Improviser en variant la hauteur du son
Za-a-a, va-a-a, zo-o-o, vo-o-o, etc..
III) Exercices sur notes tenues :
Sur le son » hommm » : le » h » expire le souffle chaud, faire durer le » m « . L’enseignant donne l’exemple à reproduire, et varie la hauteur à chaque fois.
Chanter séparément, puis en enchaînant les sons » ou « , » on « , » o « , puis » ain « , » é « , » i « , ou encore » an « , » a « . Elargir les séries : » ou/ o é- a- i -u « , » a – é -i -o -ou » etc… Ces exercices peuvent être enrichis d’images mentales : soleil/pluie, au bord d’un lac, souvenir d’une odeur, d’un goût, du toucher d’une étoffe etc…
Les cloches : sur une même note ou sur deux notes (à l’image de » Frère Jacques « ), chanter » Ding, daing, dong « , puis » doum, dam, dom « , » bim, bam, bom « . Insister sur la résonance de » m « .
Reproduction d’une note donnée par un instrument : clavier, carillon, flûte… (exercice très simple et pourtant indispensable pour débuter correctement un chant). La classe reproduit l’exemple donné sur le son tenu joué par le maître
La classe écoute puis reproduit le son
Une seconde note est interprétée par le maître pendant que la classe tient la première
Idem en deux groupes : le second reproduit la deuxième note.
Pour tous ces exercices, on pourra faire vérifier les résonances en touchant le front, le nez, le thorax etc…
Les vocalises :
Elles ont pour objectif conjoint d’étirer la tessiture et de consolider le placement de la voix en fonction des hauteurs.
Pour commencer, chanter des » sirènes « , en bouche fermée, puis sur des voyelles. Le maître donne l’exemple vocal en l’accompagnant d’un geste de la main (de bas en haut pour aller du grave à l’aigu et réciproquement). Il est également recommandé d’utiliser une flûte à coulisse qui permet d’enrichir les exemples.
Vocalise n°1
à chanter sur : lou, lou, lou, do do do
ou : mi i i a ou, mi i i a ou…..
Vocalise n°2
à chanter sur : o-é, o-é… u-i, u-i….
Vocalise n°3
à chanter sur vovovo, zozozo, louloulou
Vocalise n°4
à chanter sur aglagla, loala, caoutchouc
Vocalise n°5
à chanter sur : tapatapa, takatakata, fassafassa, topotopo, minimini
Vocalise n°6
à chanter sur : tsiki, tchépé, machta, …
Vocalise n°7
à chanter sur les mots comme : mimosa, mimolette, dinosaure, discobole…
Vocalise n°8
à chanter sur des groupes de mots où les sons voyelles se transforment comme : do/doux/doigt/doué, veau/vous/voix/voué, jo/joue/joie/joué, …